Sait-on la dure peine
Des glaciers qui se fendent
Pour que les douces eaux
Sur le val se répandent
Et sur la plaine ?
Sait-on la dure peine
Du bourgeon pour que perce
Au jour sa douce gemme ?
Sait-on ta dure peine
Fleur blanche, frêle et fraîche,
Qui du fond des racines,
À travers le tronc noir, à travers
Les rameaux rétrécis par l’hiver,
Chemines vers la cime ?
Lanza del Vasto
Ce poème de Lanza del Vasto nous parle du travail souterrain, caché, de la vie psychique. Le travail psychique qui est à la fois « faire » et « laisser faire » comme le grand œuvre de la nature où le printemps succède à l’hiver. J’ai entendu une latiniste, Marie-France Delport, revenir sur le sens du mot travail. Non, ce mot ne viendrait pas, comme on le dit souvent, du latin tripalium, un instrument de torture, mais du préfixe latin trans-, préfixe qui exprime un principe de passage d’un état vers un autre.
J’aime L’idée selon laquelle le travail de la vie psychique est une traversée. Il y a souvent un obstacle à franchir et plus généralement une tension vers un but rencontrant une résistance.
On peut par ailleurs rapprocher le mot travail du mot anglais travel : voyager. Travailler c’est voyager, c’est tra-verser une densité de réalité, une épaisseur dont il est difficile de parler tant elle est de l’ordre de l’intime. Qui sait la dure peine? Comme le dit le Gospel: Nobody knows the trouble I’ve seen. Cette traversée ne nous laisse pas indemne, un bout de moi reste dans le travail accompli, le travail reste aussi en moi et me transforme.
Le bourgeon cherche un chemin vers la lumière…travail du faire. Les douces eaux descendent sur le val… travail dur laisser faire.
Nous avançons ainsi, de monts en vallée, conscients que ce travail psychique est sous-tendu par la pulsion de Vie. Une force, celle de la nature, du Souffle de Vie nous seconde et nous communique son élan.